DENIS-MARIE CINTURA

Interview

• 21 Août 2009
  
  "Le muay thaï, c’est du service public"
  
  
  Invitée par la Thaïlande à l’occasion d’un tournoi donné en l’honneur de la reine, le 11 août dernier, la Fédération française des sports de contacts et disciplines assimilées (FFSCDA) a emmené dans ses valises, à Bangkok, cinq boxeurs. Denis-Marie Cintura, son président, dresse pour leJDD.fr l’état des lieux du muay thaï français. Et brise les idées reçues sur un sport souvent qualifié d’ultra-violent.
  
  
  
  Denis-Marie Cintura, au premier plan, place la France dans le trio de tête mondial. (J.G/leJDD.fr)
  
  
  Quel bilan tirez-vous de la soirée donnée à l’occasion de l’anniversaire de la reine?
  Le bilan majeur que je tire, c’est le sourire des combattants français, plongés dans une arène populaire, avec des milliers de personnes autour, sans animosité, avec des passionnées d’un sport et d’une tradition. Les Français ont été intégrés comme des membres à part entière de cette tradition. Ça les a beaucoup touchés. Même si ce n’est pas le but ultime. Le but d’une fédération c’est de produire des résultats sportifs mais c’était, je pense, une pierre nécessaire à l’édifice.
  
  Et sur un plan comptable justement?
  Trois victoires, deux défaites, c’était quasiment inespéré. Le niveau du muay thaï français, même s’il est l’un des tout premiers en Europe, reste bien évidemment très en-deçà du niveau thaïlandais. On voit émerger une jeune génération capable de réaliser des exploits. C’est en ces termes là qu’il faut raisonner. Il y a eu des décisions franches et les Français ont infligé deux KO. Ça reste quand même dans les annales, c’est un peu comme quand les rugbymen français vont battre les All Blacks à Auckland.
  "La France dans le trio de tête"
  
  
  
  Où en est la boxe thaï en France aujourd’hui?
  Elle se structure plutôt bien. Il faut surtout raisonner en termes de territoires et de clubs. Notre premier devoir est à l’égard des petits clubs qui sont dans les quartiers, dans les cités, dans les petites villes et qui ont besoin de soutien. Le muay thaï français aujourd’hui se porte bien en nombre de pratiquants et de licenciés. Mais il n’a pas dépassé le cadre du développement local. On manque cruellement d’aides publiques. Le muay thaï, c’est une mission de service public. C’est du contenu scolaire, de l’éducatif et du savoir-vivre qu’induit la boxe thaïlandaise. C’est ce virage-là que l’on veut réussir.
  
  Pourquoi organiser ce genre d’événement en Thaïlande?
  C’est une politique globale. Ce sont des mois d’échange, de visites et de réceptions avec les Thaïlandais. On a voulu concrétiser tout ça par une contractualisation autour d’événements forts de la vie et de la culture thaïlandaises. L’anniversaire de la reine, c’est comme le 14-Juillet chez nous. Et on va poursuivre ce processus d’échanges. Le Lumpini, qui est un mythe en Thaïlande, va venir en France, avec ses champions, ses ceintures, ses officiels et son orchestre.
  
  Où se place la France dans la hiérarchie mondiale?
  En Europe, la France est probablement la première nation avec les Pays-Bas. Si la Russie alignait une sélection nationale, en puisant réellement dans ses réserves, elle serait je pense devant nous.
  "Le manque de vision a fait s’effondrer la visibilité de la boxe thaï"
  
  
  
  On parle beaucoup de dopage dans le muay thaï, notamment ici en Thaïlande et au Pays-Bas: hormones de croissance, stéroïdes ou prise d’oxygène pure avant de monter sur le ring. Quelle est la réalité du phénomène en France ?
  Les contrôles anti-dopage sont pointus. L’agence française de lutte contre le dopage fait très bien son travail et informe les fédérations et la gestion des cas est très simple. A l’étranger, nous n’avons pas de capacité d’intervention. Quand il n’y a pas d’administration publique investie sur ces problèmes là, le royaume de l’argent a tendance à pousser aux excès. Mais sans preuves que peut-on faire ? S’il n’y pas d’éléments matériels opposables à tous, on ne peut qu’évoquer des principes.
  
  La boxe thaï a perdu de son impact en France depuis quelques années, comment l’expliquer?
  C’est un constat dur à avaler pour certains mais qu’il faut avoir la lucidité d’affronter. La boxe thaï et le pieds-poings étaient très bien représentés dans les médias et se sont totalement effondrés depuis quinze ans. On a réussi à endiguer ce délitement depuis trois ans et on est actuellement dans la phase de redémarrage. Mais il faut être très clair : tant que l’on n’aura pas la capacité à fournir aux gens un championnat très clair, avec des participants auxquels on peut s’identifier et que l’on peut reconnaître, ça ne fonctionnera pas. Ce que l’on veut faire, c’est mettre la discipline sur la place publique pour que les gens puissent décider ou non de pratiquer ce sport ou d’assister à des compétitions. C’est la politique à petits pas et le manque de vision qui ont fait s’effondrer la visibilité de boxe thaï.
  
  On qualifie souvent la boxe thaï de sport ultra-violent. Qu’avez-vous à répondre ?
  Il faut bien faire comprendre aux familles et aux parents que la boxe thaïlandaise n’est pas un sport dangereux, au contraire. C’est le sport le plus surveillé. On a des examens médicaux surabondants. C’est avant tout un sport éducatif et avec la garantie d’une solidarité affective dans un club. Ce n’est pas la compétition avant tout. C’est un sport populaire, très bien encadré et qui protège énormément les jeunes.
  

Propos recueillis par Jérôme Guillas - leJDD.fr

Vendredi 21 Août 2009

La rentrée de la FFSCDA

Par Thibaut Machu le 04/09/2009
Vendredi 4 septembre 2009, c'est devant le Ministère des Sports que nous avons rencontré le président le la Fédération Française de Sports de Contact et de Disciplines Assimilées : Denis-Marie CINTURA. Cet entretien a eu pour objectif de dresser un bilan sur la saison écoulée, pour ensuite entrevoir ce que nous réserve le programme fédéral de la nouvelle année sportive 2009-2010.


Muaytaitv.com : Bonjour Denis-Marie CINTURA, la saison 2008-2009 s'achève pour laisser place en ce mois de Septembre à un nouveau cycle. Quel constat faites-vous de l'année sportive écoulée ?
Bonjour à tous les internautes, la saison passée s'est avérée être un succès populaire au niveau des stages gratuits que nous avons organisé pour nos licenciés que ce soit avec Ramon DEKKERS (voir l'article) ou Somluck SOR KAMSING (voir l'article) , en Kick et en Muaythaï. C'est aussi un succès populaire en terme de licence puisque nous avons réuni plus de trente trois mille licenciés sur une première saison, ce qui est exceptionnel. Et je tiens tout particulièrement à remercier les présidents de club, les professeurs, les enseignants, les présidents de ligue. Tout ceux qui sur le terrain font un travail remarquable. Ça c'est donc le bilan positif.

Le bilan négatif, ce sont les championnats de France en Muay thaï , en Kick Boxing, les championnats étaient très bons. En Muay Thaï, il y a des choses à améliorer. Ce qui a été le travail de tout l'été, de toute l'équipe, de la direction technique nationale et des responsables du Muaythaï nationaux qui ont eu un nombre incalculable de réunions pour évaluer les difficultés et bien entendu les dépasser. Je crois qu'on va présenter quelque chose de qualité à ce niveau là pour cette saison.

Muaythaitv : Concrètement, quelles sont les évènements clés qui ont fait avancer le Muay en France ?
Pour le Muaythaï, l'évènement le plus remarquable qui a conclu la saison, c'était l'anniversaire de la Reine en Thaïlande à Bangkok, avec une équipe de France exceptionnelle (voir l'article) . Dans une ambiance qui plonge le Muaythaï dans ses vraies racines, dans sa vraie raison d'être. Et ça, ça a été assez bien reconnu par les média tel que le votre, mais aussi par des grands médias tout public et généraliste. Ça a été vraiment la médaille d'Or du Muaythaï français en fin de saison.



Muaythaitv : Justement, concernant les médias, on vous a vu travailler avec eux, notamment lors de la soirée d'anniversaire de la Reine de Thaïlande, où vous aviez emmené plusieurs journalistes issus des principaux médias français. Quel a été le retour de tout cela ?
À part les médias spécialistes, on peut dire que les médias français ont déserté le pieds-poings depuis très longtemps, depuis deux décennies, on va dire. Ils sont étonnés par la qualité de l'encadrement, par la qualité pédagogique, par le comportement des jeunes et des combattants, et par la qualité des entraîneurs. Et je pense que nous allons être amené à les voir très souvent à nos côtés.


Muaythaitv : Pouvez vous revenir sur l'épisode où la fédération dont vous êtes le président, la FFSCDA perdait son agrément, puis le retrouve quelques semaines après ?
Cela se nomme un problème juridique momentané, des dépôts de statut en préfecture à une semaine près n'aurait pas été enregistré avant la publication au Journal Officiel. Je parle vraiment au conditionnel. Nous sommes dans de la procédure juridique, effectivement, cette « peccadille juridique » a été régulée, et l'agrément a été repris très rapidement par l' État car il n'y avait pas de problème de fond en aucune façon.





Muaythaitv : Pouvez vous nous en dire plus sur les différents accords obtenus dans le cadre d'échanges franco-thaïlandais ?
L'accord est sur plusieurs points :
Déjà c'est la venu de toute la structure du Lumpini en France en début d'année 2010. C'est un accord remarquable car c' est la meilleure façon de montrer à tous ce qu'est la valeur du Muaythaï et la valeur de la France dans le Muaythaï internationale. Il y aura donc des défenses de 4, 5 ceintures du Lumpini avec l'encadrement et les officiels du Lumpini. Des stages pour les officiels français avec ceux du Lumpini seront organisés.
Il y aura également L'orchestre du Lumpini, cela peut paraître anecdotique, mais cela fait partie du Muay. Il faut que l'on refasse vivre la même atmosphère dans nos gymnases français, dans nos galas français.
C'est un peu l'emblème de notre nouvelle politique.

À côté de cela, il y aura bien entendu des soirées France vs Thaïlande.
La présence d'une équipe masculine et féminine à l'anniversaire du roi, les 4 et 5 décembre 2009.
Donc je pense que là, déjà, nous sommes partis sur des bonnes bases, avec un bon régime de croisière.




Muaythaitv : Quels sont les principaux projets prévus pour la saison prochaine ?
Nous allons commencer la saison avec l'envoi en Thaïlande de trente jeunes issus de toute les ligues françaises qui ont été inscrit dans les compétition nationale de la fédération. Ils sont totalement pris en charge par la fédération, leurs accompagnant aussi bien sûr. Ils vont découvrir, non pas un camp comme on pourrai le réfléchir en tant que combattant professionnel, mais plutôt une situation thaïlandaise, la situation de leur sport et de leur passion dans la Thaïlande. Il y aura une partie culturelle, avec l'enseignement de la langue, l'enseignement des pratiques locales et puis de l'enseignement sportif.
Et je pense que faire ce geste à l'égard de ces trente jeunes de 12-15 ans, c'est pour dire que nous privilégions avant tout l'éducatif, le sport de masse, le réseau local et territorial. C'est vraiment une initiative très forte, qui sera renouvelée tous les ans.
Après ce qu'on améliorera, c'est la prise en compte des championnats et des "Classe Elite". De façon à ce que ceux ci soient mieux encadrés, mieux reconnus. Les dates seront mieux choisies pour éviter d'être en confrontation avec certains galas. Je pense qu'une très belle saison s'annonce.


Muaythaitv : Le calendrier de la FFSCDA est déjà fait, est-il figé pour autant ?
Il y a des dates qui peuvent se rajouter, suite aux demandes de nos amis de Thaïlande, des fédérations thaïlandaises avec lesquelles on travaille. Nous sommes en contact direct avec l' État Thaïlandais. Nous pouvons avoir des opérations ponctuelles. Comme par exemple, l'an dernier, le Contender Asia a été rajouté en cours d'année. Ça peut se reproduire en cours d'année.




Muaythaitv : C'est la rentrée sportive, mais comme il existe deux fédérations, beaucoup ne savent laquelle choisir. Selon vous, comment convaincre les licenciés qui hésitent ?
Je ne peux parler que de notre fédération et de notre projet, nous sommes ici devant le Ministère des sports, ce n'est pas pour rien. C'est parce que nous construisons avec l' État le rassemblement des disciplines dans le respect de l'identité de chacun. Ce que les gens ont du mal à comprendre c'est qu'en étant divisé, nous sommes très faibles. Dans la division, disparaît l'avenir du pieds-poings, du Muaythaï. Donc, nous sommes sur le rassemblement, le respect de chacun. On a fait 12 000 licenciés l'année dernière, je pense qu'on devrait dépasser ces chiffres cette année. Ce que je veux dire au club, c'est de nous faire confiance, il y a un travail de fond, nous sommes les seuls à avoir une direction technique nationale, à pouvoir attribuer des diplômes, à autoriser les championnats internationaux, à avoir des relations avec la Thaïlande très approfondie, des conventions très fortes.
Nous sommes là pour défendre le Muaythaï français. Et aujourd'hui on le fait dans une situation, où nous avons vraiment "la voix au chapitre" pour trouver des solutions au développement.




Muaythaitv : À présent, concernant les promoteurs qui malgré leur bonne volonté peine à organiser, qu'est ce qui est prévu ? Les taxes sont elles toujours à l'ordre du jour ?
Le boulot de la fédération n'est pas de subventionné les promoteurs, ce n'est pas l'objet social et l'argent des licenciés n'est pas là pour subventionner des promotions.
Par contre la fédération est capable de réunir des combattants thaïlandais, d'organiser des déplacements, de venir en support pour que les plus grands noms du Muaythaï viennent se produire en France sur ces sujets là, nous avons des aides financières.
Par contre, ce que je suggèrerais aux promoteurs, c'est d'être dans leur niveau de capacité d'intervention. Quand on a une salle de 1200 personnes, on organise pas un championnat du monde qui coûte des fortunes à organiser.
Ensuite nous avons fait des efforts sur les taxations, car nous avons supprimé une série de taxes pour les galas avec notamment des "Classe Élite", des clubs quand ils ont un ou deux combattants engagés, on a supprimés toutes taxations.
On fait des efforts importants pour les promoteurs petits et moyens. En estimant que les grands promoteurs doivent participer financièrement de façon à aider des opérations : comme les futurs stages de Somrack, de Ernesto HOOST qui sont gratuits pour nos licenciés.
Il faut que le sport professionnel participe un peu, et pour les petits organisateurs nous ferons de très gros efforts.


Muaythaitv : Où en est la FFSCDA avec la fédération internationale amateur de Muaythaï (l'IFMA) ?
Tout va très bien avec le président de l'IFMA et le Ministre des Sports de Thaïlande. Je pense qu'aujourd'hui nous sommes rentrés dans une phase de régulation, tout à fait cohérente et que 2010 sera une très grande saison.


Muaythaitv : Pensez vous qu'il soit possible d'avoir une équipe européenne de Muaythaï ?
Nous avons signé des accords pour être à la tête d'une fédération européenne de Muaythaï reconnue par le gouvernement thaïlandais et le Ministère des Sports. Nous sommes en train de travailler à sa mise en place. Je ne peux pas vous en parler en détail aujourd'hui. Cela sera l'occasion d'avoir un nouveau sujet pour se rencontrer. Dans ce contexte là, oui, il y aura des regroupements européens, internationaux du Muaythaï dont la France sera le leader.






Muaythaitv : Pour terminer, nous vous voyons très actif, et engagé sur tous les terrains, comment expliquez vous cela ?
Je crois que celui qui a un projet, et qu'il ne le défend pas, ce n'est pas la peine d'avoir un projet. Nous avons le projet de réunir les disciplines. De faire en sorte qu'on s'épaule et d'avoir des économies d'échelle. Et que tout le monde trouve du plaisir à avancer. C'est une idée que je défend depuis un certain nombre d'années. Je veux faire tomber les lignes.
Les lignes, c'est la privatisation par certains des disciplines. Les disciplines n'appartiennent à personne, et une fédération encore moins. J'ai crée cette fédération, peut être que demain l'assemblée générale me mettra en minorité, et alors je serai redevenu qu'un simple licencié. C'est le jeux, il est normal, et il est temps que tout le monde l'apprenne ! ( À droite, photo prise avec Kazuyoshi ISHII, fondateur du K-1, (voir l'article) )

ON EN PENSE CE QUE L'ON VEUT MAIS IL A SU FAIRE MONTER LE MUAYTHAI UN PEU PLUS HAUT DANS NOS MEDIAS...